Sainte-Gertrude / Saint-Géry

...paroisses de Gentinnes / St-Géry

 

 

 4e dimanche de carême A (22/03/2020)

1S 16, 1b…13a ; Ep 5, 8-14 ; Jn 9,1-41

 

Nous connaissons bien le récit de la guérison de l’aveuglé. En le revisitant cette année à la lumière de la crise épidémique à laquelle notre planète est confrontée actuellement, je le redécouvre sous un nouveau jour. Je me permets de partager avec vous ce qui me parle dans cette histoire bien qu’il eût été judicieux d’attendre que les événements soient derrière nous pour ne pas tomber dans des raccourcis trop rapides.

Je suis interpellé par cette question que les disciples adressent à Jésus à la vue de cet aveugle de naissance : « Pour se retrouver dans un tel état d’aveuglement, est-ce lui qui a péché ou ses parents ? » Cette question est sans doute aussi la nôtre, en particulier en ce moment où nous assistons quasiment impuissants à cette situation inédite qui nous afflige. « Qu’avons-nous fait de mal pour qu’il nous arrive une chose pareille ? Qu’avons-nous fait au bon Dieu, pourquoi nous frappe-t-il ainsi ? » nous demandons-nous parfois désespérés. Jésus de répondre : « Pas si vite ! Si une infirmité blesse une existence, une maladie s’immisce dans un corps, n’allez pas en chercher les raisons du côté du péché ou de la punition divine. Ni Dieu mon père, ni votre état moral ne sont la cause de cette souffrance. Le mal ne vient pas de Dieu ».

Cette réponse de Jésus est extrêmement consolante. Disons-nous toujours face au mal qui nous accable que le Christ est de notre côté. Il pleure avec nous sur les maux qui nous étreignent. C’est à l’heure où nous nous sentons broyés par la souffrance, étranglés par la peur de la mort qui profile à l’horizon qu’il se fait le plus proche, qu’il vole à notre secours et agis selon sa volonté. Quand nous travaillons à supprimer le mal, quel qu’il soit, sachons que nous ne sommes pas seuls. Nos combats contre le mal sont aussi les siens. Si cet homme est né aveugle c’est « pour que les œuvres de Dieu se manifestent en lui » dit Jésus. De quelles œuvres parle-t-il ? Voilà une question difficile dont le traitement requiert que l’on suive attentivement le mouvement du récit.

Notre aveugle qui ne l’est plus, parce qu’il vient de recouvrer la vue grâce à l’action de Jésus, sera désormais entraîné dans le tourbillon d’un interrogatoire à la limite insensé ; insensé parce que la réalité est là : cet homme ne voyait rien et maintenant il voit. Bien que l’évidence soit là qui leur crève les yeux, ses voisins se demandent si c’est le même homme qui hier était aveugle et qui aujourd’hui voit aussi bien qu’eux. « Non, mais attends c’est bien toi ? » lui demandent-ils. Il leur répond : « C’est bien moi ». Bande d’aveugles !

C’est vrai, quand on ne veut pas voir, on ne voit pas. Pourtant l’aveugle est clair dans son raisonnement. Il leur raconte en long et en large ce qu’il s’est passé : la salive, la boue sur ses yeux et l’ordre de Jésus d’aller se laver dans la piscine de Siloé.

Après ses voisins, voilà que les pharisiens débarquent. Ils sont emmurés dans leur étroitesse d’esprit venue d’une religion mal comprise. Pour eux, tout le problème est qu’il est impossible que Dieu ait agi à travers Jésus pour redonner la vue à cet aveugle-né le jour du sabbat. C’est impensable. L’homme est fait pour le sabbat, un point c’est tout. Jésus est donc, à leurs yeux, un très grand pécheur, un usurpateur. Impossible que Dieu puisse l’entendre et l’exaucer. Pauvres pharisiens aveuglés par leur certitude religieuse niant la réalité qui éclate pourtant au grand jour : l’aveugle-né voit et il est là devant eux. Mais rien n’y fait.

Leur aveuglement est si grand qu’ils décident alors de convoquer les parents de l’homme guéri. L’enquête se poursuit : « C’est votre fils ? » « Oui, Monsieur, on le reconnaît, il n’y a pas de doute » leur disent-ils. « Et comme vous, on ne comprend pas comment il peut voir puisqu’il n’a jamais rien vu. On ne peut pas vous en dire davantage, messieurs les pharisiens, demandez-le-lui. En tout cas, on n’est pour rien dans cette affaire ». Pauvres parents ! En réalité, ils ont peur d’être exclus de la synagogue. C’est là que l’on voit que le Christ est le vrai Dieu, car lui, jamais il ne porte atteinte à la liberté humaine, jamais il ne menace d’exclusion le dernier et le moins digne de ses enfants.

Remarquons au passage l’utilisation subtile du verbe « savoir » dans ce récit. Les parents « savent » que c’est bien leur fils… mais ne veulent « pas savoir » qui lui a ouvert les yeux, pour ne pas se compromettre (9,20.21). Les Pharisiens « savent » que Jésus est un pécheur, et « savent » que Dieu a parlé à Moïse… mais ne veulent « pas savoir » d’où est venu Jésus (9,24.29). L’aveugle, quant à lui, « ne sait pas » où est parti Jésus, « ne sait pas » si c’est un pécheur »… mais « sait » qu’il a été guéri par lui, et « sait » que Dieu n’exauce pas les pécheurs (9,12.25.31). Et nous, sommes-nous bloqués sur nos « savoirs » ou avides de connaître davantage, d’ouvrir nos yeux aveugles à la lumière de la foi ?

L’histoire allait se terminer dramatiquement puisque les pharisiens excédés par l’évidente réalité – à savoir l’aveugle de naissance voit désormais très bien – vont le jeter dehors comme un mal propre en lui disant le contraire de ce que Jésus s’est évertué à vouloir nous faire comprendre. Écoutez-les ces pharisiens : « Tu ne vois pas que tu es tout entier plongé dans le péché depuis ta naissance » lui lancent-ils. Mais grâce au Christ, le récit se termine de manière sublime. Jésus lui-même le rencontre après son expulsion du temple : « Crois-tu au fils de l’homme ? » lui demande-t-il. Et l’homme de répondre : « Qui est-il Seigneur pour que je crois en lui ? ». Jésus continue : « tu le vois, c’est lui qui te parle ». Alors l’homme prononce un dernier mot : « Je crois seigneur » et il se prosterne devant lui comme on se prosterne devant la seule divinité. C’est la revanche de Dieu, le pauvre malheureux a trouvé le seul vrai bonheur dont se sont volontairement privés ceux qui pensaient savoir et bien voir. Aveugle de naissance, pas très aidé par ses voisins, pas soutenu par ses parents, chassé de la synagogue comme un pestiféré par les pharisiens, notre homme éprouve enfin une joie extraordinaire, la joie de croire.

N’oserions-nous pas affirmer, en réponse à notre question de départ, que la guérison miraculeuse à laquelle la cécité de cet homme a donné lieu avait pour raison d’être – bien évidamment de le dégager du mal qui l’oppressait – mais surtout de susciter la foi en la personne du Christ ? Tous les miracles de Jésus sont des « signes » qui nous disent : « Levez la tête, je suis là, et je vous aime ».

Les événements qui perturbent notre quotidien et la tranquillité de nos vies ne pourraient-ils pas – toute proportion gardée – être accueillis comme des « signes » qui font progresser notre foi en Dieu et en notre prochain dont nous sommes ces jours-ci particulièrement solidaires ? Ne pourrions-nous pas les vivre comme une occasion de re-éprouver tout simplement l’envie de vivre en devenant désormais des diffuseurs d’espoir, de joie, d’amour, de solidarité, etc. Ils sont de plus en plus nombreux ceux qui, pendant ces jours de confinement, pensent – et à juste titre – que « quand tout ira bien », nous ne serons plus les mêmes. Et je crois qu’ils ont raison.

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